Scandale de pollution aux excréments à Arcachon : quels impacts et solutions en 2025 ?

Le bassin d’Arcachon franchit une étape décisive dans sa lutte contre la pollution aux eaux usées. Le 20 mai 2025, le tribunal administratif de Bordeaux suspend les arrêtés préfectoraux qui autorisaient le déversement d’eaux usées non traitées dans le milieu naturel lors d’intempéries exceptionnelles, répondant ainsi aux mobilisations citoyennes et associatives.

Cette victoire juridique fait suite à la crise de décembre 2023, où les rejets d’excréments non traités directement dans l’océan avaient entraîné une contamination des huîtres au norovirus et l’interdiction de leur commercialisation pendant trois semaines, révélant l’obsolescence critique du réseau d’assainissement.

Nous analyserons les multiples dimensions de cette crise environnementale qui menace l’un des plus beaux écosystèmes marins de France, des impacts sur la biodiversité aux solutions techniques envisagées, sans oublier le rôle aggravant de l’acidification des océans sur la vulnérabilité globale du bassin.

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La justice suspend les rejets d’eaux usées

Le tribunal administratif met fin aux déversements

La juge des référés a considéré dans son ordonnance que « la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées » et « la sensibilité des milieux récepteurs des rejets » représentaient des dangers significatifs pour l’environnement.

Le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA) se voit désormais contraint de moderniser ses installations. Me François Ruffié, avocat de la Sepanso, souligne que « le SIBA ne peut plus s’exonérer de sa responsabilité au plan pénal. Il va devoir faire de vrais travaux sur le réseau d’assainissement du bassin« .

Cette décision historique marque un tournant dans la gestion des eaux usées sur le bassin, alors que la préfecture de la Gironde prend acte du jugement sans commentaire supplémentaire.

Les associations environnementales victorieuses

Jacques Storelli, président de la CEBA, salue une « victoire historique pour la protection du bassin« , rappelant que les associations dénonçaient depuis des mois ce qu’elles qualifiaient de « permis de polluer« .

La coordination des associations de défense, qui regroupe la Sepanso, la CEBA et l’ADEBA, voit dans cette décision la reconnaissance de leur combat. Thierry Lafon, ostréiculteur et président de l’ADEBA, souligne que « cette suspension n’est qu’une première étape. Nous exigeons maintenant un vrai plan d’action avec un calendrier précis pour moderniser les installations« .

Les associations maintiennent leur vigilance et préparent déjà de nouvelles actions juridiques pour obtenir l’annulation définitive des arrêtés sur le fond.

Scandale de pollution aux excréments à Arcachon

Un désastre écologique sans précédent

L’ostréiculture en première ligne

Sur le bassin d’Arcachon, qui fournit près de 10% des huîtres consommées en France avec 8 000 tonnes annuelles, les pertes ont été estimées à 5 millions d’euros suite à la crise de décembre 2023. « La confiance est revenue, mais nous restons vigilants« , souligne Olivier Laban, président du comité régional de la conchyliculture.

Les 300 ostréiculteurs du bassin ont mis en place un réseau de surveillance du norovirus dans les huîtres pour prévenir les contaminations. Une démarche inédite qui montre la volonté de la profession de protéger à la fois leur activité et la qualité des eaux du bassin.

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L’avenir de cette filière historique, véritable patrimoine vivant du bassin d’Arcachon, dépend désormais de la capacité des autorités à moderniser le réseau d’assainissement. Les ostréiculteurs, sentinelles involontaires de la qualité des eaux, paient au prix fort les conséquences d’infrastructures obsolètes.

La biodiversité marine menacée

Les études menées par l’Office français de la biodiversité révèlent l’ampleur des dégâts sur l’écosystème du bassin. Les rejets d’eaux usées perturbent gravement les herbiers de zostères, véritables nurseries pour la faune marine et indicateurs clés de la santé du milieu.

La contamination affecte particulièrement les espèces filtreuses comme les palourdes et les moules, mais aussi les populations de bars et de daurades qui fréquentent ces eaux littorales. « La pollution des eaux par les nutriments et micropolluants menace directement les zones Natura 2000 du Bassin d’Arcachon« , alerte Jacques Storelli, président de la CEBA.

La contamination affecte particulièrement les espèces filtreuses comme les palourdes et les moules, mais aussi les populations de bars et de daurades qui fréquentent ces eaux littorales. Elle rappelle la mort des récifs coralliens observée dans d’autres zones côtières soumises à des pressions similaires. « La pollution des eaux par les nutriments et micropolluants menace directement les zones Natura 2000 du Bassin d’Arcachon« , alerte Jacques Storelli, président de la CEBA.

Le parc naturel marin s’inquiète également des conséquences sur les oiseaux migrateurs qui trouvent refuge dans ces zones humides protégées. La dégradation de ces habitats sensibles pourrait compromettre durablement l’équilibre écologique de tout le bassin.

Scandale de pollution aux excréments à Arcachon

Les risques pour la santé publique

Les débordements d’eaux usées dans le bassin d’Arcachon ont entraîné une multiplication des pathologies digestives. « Nous avons constaté une augmentation de 300% des cas de gastro-entérites pendant l’hiver 2023-2024« , révèle un rapport de l’Agence Régionale de Santé.

Les analyses réalisées par les services sanitaires ont mis en évidence la présence de bactéries fécales et d’agents pathogènes dans plusieurs zones de baignade. Des concentrations particulièrement élevées ont été relevées près des bouches d’égout du front de mer, où les rejets contaminent directement l’espace public.

Le préfet de la Gironde a dû prendre des mesures d’urgence, interdisant temporairement la baignade sur plusieurs plages. « Les risques ne concernent pas uniquement la période estivale« , souligne un médecin de Gujan-Mestras. « Nous observons des cas d’infections cutanées et respiratoires liés à l’exposition aux eaux contaminées tout au long de l’année« .

Où partent les eaux usées à Arcachon ?

Un réseau d’assainissement obsolète

Construit dans les années 1970, le réseau d’assainissement du bassin d’Arcachon était alors considéré comme une prouesse technique. Plus de 1 220 kilomètres de canalisations, 460 postes de pompage et 5 stations d’épuration composent aujourd’hui cette infrastructure vieillissante.

Le système montre des signes évidents d’usure face à la pression démographique. « Quand le réseau d’assainissement a été monté dans les années 70, c’était un outil merveilleux permettant de gérer la merde des habitants et des touristes. Aujourd’hui, on l’a laissé arriver à obsolescence« , déplore Me François Ruffié, avocat de la Sepanso.

Scandale de pollution aux excréments à Arcachon

Les études techniques révèlent que lors des fortes pluies, les eaux pluviales envahissent massivement ce réseau séparatif mal entretenu, provoquant sa saturation et des débordements incontrôlés vers le milieu naturel.

Les points de débordement critiques

La carte des débordements s’est précisée en mai 2025 avec plusieurs zones particulièrement vulnérables. Le bassin de Titoune à Lanton et celui d’Audenge constituent les points les plus critiques du réseau, avec des rejets récurrents documentés par les associations environnementales.

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Le maire d’Arcachon, Yves Foulon, reconnaît que « la doctrine du zéro rejet dans le Bassin n’est plus tenable dans ces secteurs lors d’épisodes pluvieux exceptionnels« . Les analyses du Val de l’Eyre montrent une infiltration massive des eaux pluviales dans le réseau séparatif, tandis que le wharf de la Salie peine à évacuer les volumes excédentaires.

Les études menées dans le cadre du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) révèlent que ces points de débordement menacent directement les zones Natura 2000. « L’infiltration à la parcelle devient une nécessité absolue« , souligne Bruno Hubert, hydrogéologue mandaté par la préfecture.

Les causes profondes de la crise

L’urbanisation intensive en question

La population du bassin d’Arcachon a augmenté trois fois plus vite que la moyenne nationale ces dernières années. « Cette croissance démographique non maîtrisée met une pression insoutenable sur des infrastructures déjà fragiles« , analyse Françoise Branger, présidente de Bassin d’Arcachon écologie.

La bétonisation galopante aggrave directement la problématique des eaux usées. Selon le SCOT, 40 000 nouveaux habitants sont attendus d’ici 2040, alors que les sols artificialisés empêchent déjà l’infiltration naturelle des eaux pluviales. Les associations dénoncent un »déni total » face à cette réalité, plaidant pour l’usage de matériaux durables comme le liège et de revêtements perméables dans les nouvelles constructions.

Scandale de pollution aux excréments à Arcachon

Pour la Coordination Environnement du Bassin d’Arcachon, la seule solution viable reste un moratoire sur les nouvelles constructions, à l’image de ce qui a été fait à Saint-Brieuc en 2021. « La protection de la nature doit primer sur le tourisme de masse« , martèle Jacques Storelli.

Le changement climatique aggrave la situation

Les records de précipitations s’enchaînent sur le bassin d’Arcachon. Le météorologue Florian Clément a documenté une pluviométrie exceptionnelle de 581,6 mm entre octobre et décembre 2023 au Cap-Ferret, un record absolu depuis 1947.

Les modélisations climatiques prévoient une intensification de ces épisodes pluvieux exceptionnels. « Le dérèglement climatique est accompagné par toute une variété de phénomènes tendant de plus en plus vers les extrêmes« , confirme Florian Clément dans son rapport de février 2024.

Le réseau d’assainissement, déjà fragilisé, ne pourra pas absorber ces volumes d’eau croissants. Les prévisions indiquent une augmentation de 30% des précipitations hivernales d’ici 2050, menaçant directement la capacité du système à contenir les eaux usées lors des cas d’épisode pluvieux majeurs.

Quelles solutions pour l’avenir ?

Le plan de modernisation attendu

Face à l’urgence de la situation, les élus du Syndicat Intercommunal viennent d’adopter un programme d’investissement massif de 120 millions d’euros sur cinq ans. Ce plan prévoit notamment la construction d’une nouvelle station d’épuration sur le Nord Bassin et la réhabilitation de 11 kilomètres de canalisations prioritaires.

Les premiers travaux démarreront dès janvier 2026, avec un budget de 11 millions d’euros consacré aux interventions les plus urgentes. Le chantier comprend l’installation de dégrilleurs automatiques sur les bassins de Lanton et d’Audenge pour filtrer les effluents avant tout événement exceptionnel.

La modernisation inclut également la mise en place d’un système de surveillance en temps réel des débits et un programme de déconnexion des eaux pluviales parasites. Une nouvelle station d’épuration sera opérationnelle en septembre 2027 pour absorber un tiers des volumes du Bassin.

Scandale de pollution aux excréments à Arcachon

La mobilisation citoyenne s’organise

Le carnaval « Territoire en Résilience » a rassemblé plus de 500 manifestants devant la sous-préfecture d’Arcachon le 10 mai 2025. Cette mobilisation festive et engagée marque un tournant dans le mouvement citoyen.

Les associations environnementales multiplient les initiatives. Une pétition lancée par l’Adeba a recueilli plus de 15 000 signatures, tandis que les Écocitoyens du Bassin d’Arcachon organisent des ateliers hebdomadaires de surveillance participative de la qualité des eaux et expérimentent l’usage de résines naturelles pour filtrer certains polluants directement à la source.

Le collectif Stop Pollution Bassin, créé en avril 2025, fédère désormais 26 associations locales et coordonne les actions juridiques. « Notre force réside dans l’union des citoyens, des scientifiques et des professionnels de la mer« , souligne Virginie Mallet, lanceuse d’alerte devenue porte-parole du mouvement.

Mise à jour de l’article : 7 juin 2025